La théologie africaine, clé de la transformation sociétale, selon un évêque jésuite

Lors d'une conférence tenue le 29 janvier à Nairobi, au Collège universitaire Hekima des Jésuites (HUC), Mgr Rodrigo Mejía Saldarriaga, évêque jésuite basé au Kenya, a souligné l'importance de la théologie africaine dans le processus de transformation des sociétés africaines. Selon lui, pour rester fidèle à sa mission, cette théologie doit être un vecteur de changement concret dans la culture et les valeurs de la société.

"La théologie africaine doit être le levain qui transforme la société, en changeant les cultures et les sociétés africaines grâce aux valeurs du Royaume de Dieu", a déclaré l'ancien vicaire apostolique de Soddo en Éthiopie, évoquant l'impact profond que cette théologie doit avoir. Il a comparé la théologie à un levain, qui, bien que petit et apparemment sans pouvoir, transforme la pâte lorsqu’il est appliqué. "Notre pouvoir n’est ni politique, ni social, ni financier. Notre pouvoir, c’est l’Évangile, c’est l’évangélisation", a-t-il précisé, mettant l'accent sur la mission première de l’Église, rapporte Aciafrique.

Lors de son intervention, Mgr Rodrigo a également déploré le décalage existant entre les théologiens et les communautés évangélisées. Il a affirmé qu'une grande partie de la théologie actuelle était plus tournée vers la production académique — devenir docteurs en théologie ou obtenir des diplômes — que vers la véritable mission d'évangélisation. "Les théologiens sont dans l'académie, tandis que les évangélisés sont dans les paroisses. Il y a un divorce entre les deux", a-t-il déploré.

L'évêque a rappelé que l’Église évangélise en cherchant à convertir les consciences personnelles et collectives, en influençant non seulement les croyances, mais aussi les actions, le mode de vie et l'environnement des individus. Cette approche s’inspire de l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi du Pape Paul VI, qui reste un document fondamental sur l’évangélisation.

"Évangéliser, ce n’est pas seulement instruire ou prêcher. Il s’agit de transformer, de changer les mentalités", a insisté Mgr Rodrigo, soulignant que l’évangélisation doit aller au-delà de la simple prédication pour engendrer un véritable changement social et culturel.

La conférence, intitulée "L'avenir de la théologie africaine sur un continent en quête d'un nouvel ordre mondial", visait à explorer la manière dont la théologie peut répondre aux défis contemporains de l’Afrique et rapprocher les idéaux spirituels des réalités sociétales. Le père Marcel Uwineza, principal du HUC, a ouvert l'événement en soulignant l’importance de la théologie dans le lien entre foi, politique, justice et guérison, affirmant que la théologie africaine possède un potentiel prophétique pour remodeler les structures sociales.

Dans la même veine, Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque du diocèse de Sokoto (Nigeria), a insisté sur la nécessité de restaurer l'identité de l'Afrique et de développer une théologie qui prenne en compte les réalités vécues par les peuples africains au quotidien. Il a exhorté les catholiques à jouer un rôle actif dans le développement politique, social et économique de l’Afrique. "Nous ne pouvons plus être des spectateurs passifs. La justice doit être au cœur de notre engagement", a-t-il déclaré.

Mgr Kukah a aussi fait référence à l'exemple de Saint Jean-Paul II, qui a influencé profondément les mouvements politiques en Pologne en prêchant la solidarité sans jamais désigner explicitement pour qui voter. "Cet exemple démontre que l’inaction n’est plus justifiable", a-t-il ajouté, soulignant le rôle crucial de l’Église dans les changements sociaux. Selon lui, l’Église catholique, forte de ses 2 000 ans d’histoire et d'engagement, est en mesure de catalyser des transformations profondes dans la société, à condition de puiser efficacement dans cette sagesse.