Nigeria : pourquoi des évêques soutiennent les manifestations contre le gouvernement ?

Des milliers de Nigérians ont manifesté, jeudi 1er août, dans les grandes villes contre « la mauvaise gouvernance » de leur pays, des manifestations durant lesquelles au moins 13 personnes sont mortes. Une protestation soutenue par des évêques qui dénoncent depuis plusieurs années les violences interreligieuses et la pauvreté.

Jeudi 1er août, des milliers de personnes ont convergé dans les grandes villes du Nigeria pour protester contre la « mauvaise gouvernance » de leur pays. Des manifestations causées par la forte inflation et la hausse de l’insécurité. Selon Amnesty International, au moins 13 personnes sont mortes dans ces manifestations, accusant les forces de l’ordre d’avoir tué des manifestants pacifiques. Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d’Abuja, capitale du Nigeria, et les évêques de la province d’Ibadan, qui comprend quatre États de l’ouest du pays, avaient appelé à manifester pacifiquement.

Les revendications des manifestants rejoignent les griefs réguliers de la Conférence des évêques catholiques du Nigeria contre le gouvernement. «Le Nigeria souffre actuellement d’une pauvreté multidimensionnelle, allant de l’insécurité à l’inflation galopante en passant par une crise économique totale », expliquait Mgr Stephen Dami Mamza, évêque du diocèse de Yola au Nigeria, en mars.

Protestations contre la faim et l’insécurité

Le pays le plus peuplé d’Afrique traverse une grave crise économique, causée notamment par des réformes du président Bola Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023. « Les choses sont soudainement devenues si chères, a regretté Mgr Ignatius Kaigama au média ACI Afrique. Même la nourriture la moins chère que l’on peut acheter au marché n’est plus abordable. Les gens sont dans une situation terrible de pauvreté et de faim. »

L’Église catholique s’inquiète aussi publiquement de l’insécurité au Nigeria et des attaques contre les chrétiens – représentant 43 % de la population. La Société internationale pour les libertés civiles et l’État de droit, ONG d’inspiration chrétienne, rapporte que «des djihadistes islamiques protégés par le gouvernement (…) sont directement et indirectement responsables du massacre à mort d’au moins 8 222 chrétiens sans défense de janvier 2023 à janvier 2024». Toujours selon cette ONG, depuis 2009, sur les 150 000 personnes tuées pour des motifs religieux au Nigeria, 100 000 seraient chrétiennes.

L’appel de ces évêques ne fait pas consensus dans l’Église nigériane

Ces manifestations contre la mauvaise gouvernance surviennent un an après l’élection présidentielle. Le nouveau président a été élu avec un vice-président musulman, lui aussi. Cette élection a rompu avec la tradition en vigueur depuis le retour de la démocratie en 1999, consistant à présenter un chrétien et un musulman à ces postes. Ce changement dans la gouvernance du pays n’avait pas inquiété les évêques nigérians après cette élection.

Néanmoins, certains évêques ont marqué leur opposition à ces protestations du 1er août, se souvenant des violences qui peuvent en découler. L’association chrétienne du Nigeria – une importante organisation œcuménique qui rassemble l’Église catholique, les principaux groupes protestants, et les Églises pentecôtistes – a même affirmé que ces rassemblements pourraient « détruire le pays ».

Dans leur appel à manifester contre le gouvernement, les évêques avaient, eux, bien pris soin d’appeler à le faire pacifiquement. Mgr Kaigama précisait : « Aucun gouvernement ne devrait empêcher les Nigérians de protester contre la mauvaise gouvernance, la faim et la pauvreté. Les gens devraient être autorisés à s’exprimer, car nous sommes dans une démocratie, pas dans une dictature militaire. »